Dimanche 14 Avril 2019 : le jour où j’ai eu la peur de ma vie…
La nuit fut courte et le soleil se lève à peine lorsque je gagne le salon de Celeste afin de voir le sunrise sur les collines derrière la maison comme j’ai l’habitude de le faire à chaque fois. Les émotions d’hier trottent encore dans ma tête et je ne suis pas sereine. J’apprends tout de même que maman a réussi son marathon de Paris, donc cela me rebooste un peu. Nathalie, Didier et Thomas me rejoignent à leur tour pour le petit déjeuner.
Tant qu’à être à Kanab, autant tenter à nouveau la loterie pour The Wave. En effet, bien que j’y sois déjà allée en 2017, j’aimerais emmener Nathalie et sa tribu là-bas afin de les remercier pour leur gentillesse. Mais la chance n’est pas en notre faveur (70 boules pour le tirage, c’est beaucoup!) et c’est vers 9h30 que nos chemins se séparent. Pas pour longtemps cependant : nous avons prévu de nous revoir le dernier soir à Las Vegas et d’ailleurs nous serons dans le même avion au retour !
Pour ma part, je prends la direction de mon cher Zion NP. J’ai en tête de terminer la randonnée White Pass, avortée en août à cause de la chaleur et de mon mal de tête. Sur la route, enfin un peu de wildlife !
Ce trail n’était vraiment pas prévu et j’ai même enlevé la fiche que j’avais rédigée pour mon road book avant de l’imprimer. Je vais m’en mordre les doigts plus tard…
Une fois garée, avant de prendre le chemin du trail (enfin il n’y a pas de chemin), je grimpe explorer une petite partie que je ne connais pas et qui me semble accessible.
J’y trouve un très beau point de vue sur White Pass et Keyhole Canyon et je suis bien sûr seule au monde.
Je prends ensuite la direction de Jughandle Arch. Le but est d’arrivée à son pied, puis de la voir de derrière. Une petite montée dans la caillasse, une descente dans les éboulis et je me retrouve face à un groupe de 7 personnes qui se demandent ce que je fais là seule. Je les double et continue à avancer.
Ce n’est que du slickrock pour le moment, donc rien de bien compliqué.
L’arche est visible au loin et je voudrais m’en rapprocher le plus possible. Simplement, je tombe sur des traces bien fraîches de lion des montagnes et la trouille que j’avais ressentie lorsque j’en avais rencontré un en août dernier dans les Canaan Mountain, quelques kilomètres après les White Domes (à relire ici !) s’empare à nouveau de moi.
Je grimpe donc la dernière butte mais décide de ne pas tenter le diable en m’enfonçant seule plus profondément ici. La vue est déjà sympa.
Je m’assois un peu ici et en face j’aperçois le groupe qui a commencé l’ascension de White Pass.
Je me dirige à mon tour entre les 2 pics (South Aerial Peak à gauche et Aires Butte à droite). La montée est raide et je dois m’aider des mains pour progresser. C’est tout de même plus facile que ce que je pensais mais ce n’est pas pour tout le monde. Voici une idée de la montée :
Les couleurs sont sublimes ici. Je m’arrête un moment pour profiter.
J’avais également étudié la façon de me rendre au sommet du South Aerial Peak. Je commence donc à monter, avec beaucoup de précautions car les corniches sont assez instables. Arrivée à quelques mètres du sommet, je ne trouve plus aucun passage. C est trop raide et je décide donc de redescendre après avoir profité de la vue. Prudence est de rigueur.
Me voici à nouveau au milieu de White Pass, aussi appelé Center of the universe.
Je remarque une crête que j’avais repérée sur un carnet de voyage (sur la gauche). De tête, je pense me souvenir que le chemin est par là. Le début d’un calvaire commence..
Au début, j’avance bien. Je fais des photos, je savoure le lieu. Bref, tout va bien.
Puis la corniche devient de plus en plus étroite. Et certains passages me donnent du fil à retordre. Mais je persiste et j avance.Et soudain : plus aucun passage ! La corniche se termine, la pente est lisse et raide et je ne sais pas comment passer. Pourtant il me manque à peine 30 mètres pour atteindre un plateau. J’essaye donc de grimper pour voir d’autres perspectives mais les pierres glissent sous mes pieds et je ne vois pas par où passer…
J’essaye de tenter une avancée et là : mon pied glisse et je me retiens seulement à la force des bras. Dans ma tête, une seule phrase clignote : « c’est la fin » . Je ne sais pas quoi faire et je sais que si je lâche, c’en est fini pour moi. Mais je ne vois pas comment rejoindre le petit bout de roche sur lequel j’étais. Je sais que je vais tomber d’un moment à l’autre alors je tente le tout pour le tout et me jette sur un petit arbre mort en poussant de toutes mes forces sur mes bras. L’arbre tient et je suis à califourchon sur lui. Je tremble comme une feuille, j’ai le souffle court, je panique. Je reste là de longues minutes car je n’arrive pas à faire passer ce sentiment que je n’avais jamais eu : se dire que sa vie va finir dans quelques secondes.
20min plus tard, je redescends frêlement sur la première corniche. J’essaye de refaire le chemin inverse mais rien à faire : je tremble de trop. Et comme vous pouvez le voir sur la photo, c’est tout de même bien raide !
Je m’assois, je mange un morceau, je bois. Puis j’essaye de passer à nouveau mais rien n’y fait. Je glisse de trop. Cela doit faire 1h que je suis là et je me dis que ce n’est pas possible : je ne peux pas mourir ici. Je ne peux même pas alerter les search and rescue car je n’ai pas de réseau. Dans ma tête, tous les sentiments se mélangent. Comment me suis-je fourrée dans ce pétrin ? Pourquoi n’ai-je pas tout de suite fait demi-tour ?
Ultime tentative : j’enlève mes chaussures et mes chaussettes de rando et je décide de progresser pieds nus pour avoir plus d’adhérence. Je songe même à laisser mon sac ici. Mais je me dis qu’au pire, il ralentira peut-être ma chute… C’est le moment où jamais : je dois tenter de franchir les 30m restants pour en finir avec ce cauchemar.
Je mets toutes ma force dans les bras, colle mes pieds à la paroi et me lance. Je retiens mon souffle et j’avance pas à pas, avec le plus de précautions possible. Je tremble, je respire difficilement mais j’ai mes enfants en tête et cela me donne le carburant nécessaire pour passer. ENFIN ! J’arrive sur le petit plateau et je réussis à descendre au bas de la colline maudite, toujours pieds nus. Une fois en bas, je regarde l’endroit où j’étais et cela me semble si plat vu du bas !
J’étudie la descente que j’aurais dû prendre et encore une fois, je me maudis de ne pas avoir essayé par ce chemin là !Quel soulagement ! C’est désormais assez facile de rejoindre le centre du canyon.
Je suis rapidement le wash parsemé de petites pools pour rejoindre ma voiture et je tombe même sur des pétroglyphes sans les chercher et sans savoir qu’ils étaient là !
Je continue ma progression et tombe sur un essaim d’abeilles ! Mais ça n’en finira donc pas ?? Je me mets à courir pour les éviter car elles se sont vite approchées de moi et enfin terminer la boucle.
Ma voiture est garée un peu plus loin sur la scenic drive. Je tremble toujours.Je rejoins enfin ma voiture qui est au pied de South Aerial Peak.
J’appelle mon mari sans tarder même si pour lui il est tard dans la nuit. J ai besoin de réconfort et je réalise à quel point je suis chanceuse d’être en vie.
Je décide de rentrer sur Kanab mais avant je m’arrête à Belly of the Dragon. C’est un petit tunnel que j’avais repéré depuis des mois et entre temps, il est devenu bien célèbre. En effet, l’office de tourisme de Kanab en a fait une fiche et je me retrouve avec plusieurs personnes là-bas. C’est un lieu très sympa et assez rapide à faire. Idéal pour les enfants ! J’en croise d’ailleurs pas mal ! Voici une petite visite rapide :
Me voici de retour à Kanab. Je m’arrête à la station essence pour encore regonfler mon pneu arrière avant de retourner au BnB. En effet, j ai décidé de passer une nuit de plus chez Céleste pour aller voir les garagistes demain. D’ailleurs, si vous voulez y dormir, voici 25€ de réduction ! Cliquez ici !!!
Ce soir je teste la chambre Peter Pan que je n’avais encore jamais eue.
J’aime beaucoup car il n’y a pas de fenêtre donc repos garanti. Je reste un moment à discuter avec Céleste dans le salon car j’ai besoin d’évacuer. Je suis si bien ici, dans cette maison, que cela me réconforte. Après un petit repas avec les autres hôtes, je décide de me coucher tôt. J’ai besoin de recharger les batteries car cela fait beaucoup de stresse en si peu de jours… mais je ne manque tout de même pas de délirer un peu dans la chambre afin de souffler un peu 🙂Le soleil se couche sur l’Utah… Je vérifie tout de même sur le net quel était le bon chemin pour White Pass. Je comprends de suite : Olivier (dont j’ai pris le carnet pour référence et à qui j’avais posé pas mal de questions à ce sujet) avait fait la boucle dans le sens inverse !! La crête sur sa photo n’était donc là que pour illustrer la vue à la fin de sa montée… Je me couche lessivée et encore fébrile. Je repasse en boucle la scène où j’ai failli voir le bout du tunnel. Quelle surprise aurais-je encore demain ? Je ne sais d’ailleurs pas encore où je vais atterrir… A suivre !